Ateliers de philosophie de l'action & neurosciences à Strasbourg 1993-94

Publié le

CENTRE D'ANALYSE DES SAVOIRS CONTEMPORAINS

Atelier du 23 novembre 93 au Palais U., s. Fustel de Coulanges, 14h

"l'action volontaire, l'attention"

 

Drs. John SEAL et Thierry HASBROUCQ,

Dr. Akira TERAO,

Laboratoire de Neurosciences Cognitives, C.N.R.S.,

Ecole pour les Etudes et la Recherche en Informatique et Electronique,

 

Laboratoire d'Etudes et de Recherche en Informatique,

31, chemin Joseph Aiguier, 13402 Marseille.

Parc Georges Besse,30000 Nîmes.

 

Etude pluridisciplinaire du mouvement volontaire

 

Tout animal se déplaçant dans un environnement est soumis à des stimulations qui appellent des actes comportementaux. Chez les espèces supérieures, la faculté d'établir des liaisons sensori-motrices nouvelles libère l'animal des stéréotypies comportementales de type réflexe où le stimulus appelle nécessairement une réponse. La plasticité sensori-motrice dont font preuve les systèmes biologiques de traitement de l'information constitue la base de tout apprentissage. A ce titre, elle relève d'un mécanisme cérébral élémentaire que nous souhaitons précisément élucider.

La question de savoir si tout le comportement des espèces supérieures, y compris l'homme, peut être ainsi décrit en termes de liaisons adaptatives entre stimuli et actions est en lui même le sujet d'un grand débat. Il faut cependant remarquer que du point de vue expérimental, il est difficile, sinon impossible, de séparer ces deux aspects: la perception d'un stimulus ne peut être vérifiée qu'au travers d'actions qui en dépendent (reconnaissance ou confirmation), tandis qu'une action volontaire ne peut être dissociée de l'ensemble des stimuli qui l'ont précédée, éventuellement en des temps très éloignés.

 

Aspects psychologiques

Pour le psychologue cognitiviste, l'étude des processus mentaux repose sur l'analyse des représentations et de leurs transformations, considérées comme des concepts fondamentaux, communs à l'ensemble de ces processus et nécessaires à leur élaboration. On peut définir les représentations comme des codes d'information passifs et les transformations comme des opérateurs actifs qui modifient ou engendrent des représentations.

Le paradigme du temps de réaction (TR), qui repose sur les inférences que permet l'analyse des variations systématiques du temps nécessaire à déclencher une activité motrice en réponse à une stimulation sensorielle, constitue le moyen d'accès traditionnel à la dynamique des transformations. On admet que le TR reflète au plan comportemental la durée des processus de traitement de l'information qui correspondent à ces transformations. L'analyse et la formalisation des processus mis en oeuvre au cours du TR repose sur le postulat selon lequel l'activité mentale est réductible à une série d'étapes -ou niveaux- de traitement qui correspondent à autant de transformations.

Si ce postulat fait l'unanimité, la nature de la transmission de l'information entre les différents niveaux est l'objet d'un débat dont l'issue semble devoir déterminer l'avenir du paradigme du TR. Selon une première hypothèse, cette transmission s'effectue de façon discrète. En d'autres termes, seul le produit final de la transformation réalisée au cours du niveau de rang N-1 serait transmis au niveau de rang N. Ainsi, il n'y aurait aucun recouvrement temporel entre les transformations réalisées au cours des différents niveaux de traitement de l'information. Selon une seconde hypothèse, la transmission de l'information s'opère de façon continue. En d'autres termes, tous les produits intermédiaires de la transformation réalisée au cours du niveau de rang N-1 seraient transmis au niveau de rang N. Ainsi, la transformation réalisée au niveau de rang N commencerait à s'opérer sur la base d'informations partielles transmises par le niveau N-1 sans pour autant que les transformations réalisées au cours des niveaux de rang inférieur soient encore terminées. Ces deux hypothèses ne sont pas symétriques du point de vue des inférences qu'elles permettent de réaliser. En effet, les modèles "discrets" ont une valeur heuristique que ne partagent pas les modèles "continus".

En dépit de leur sophistication croissante, les techniques comportementales ne permettent pas de tester ces hypothèses. En effet, la transmission de l'information concerne les relations entre chacun des niveaux individuels de traitement alors que le TR représente le produit global de l'ensemble de la chaîne perceptivo-motrice. En revanche, les techniques d'enregistrement et d'analyse de l'activité neuronale unitaire permettent d'aborder directement le problème de la communication entre les différents niveaux de traitement. La mise en oeuvre de cette méthologie dans le cadre de protocoles de TR requiert une étroite collaboration entre psychologues, neurophysiologistes et ingénieurs.

 

Aspects neurophysiologiques

L'étude anatomique du système nerveux a montré que le cortex cérébral est constitué d'un réseau de structures distinctes auxquelles la neuropsychologie a conduit à attribuer des fonctions particulières. Cette répartition peut être mise en parallèle avec celle du traitement de l'information sensori-motrice en étapes fonctionnelles, telle que suggérée par les études comportementales décrites ci-dessus. On peut ainsi faire l'hypothèse d'une correspondance entre les différentes structures du cortex cérébral et les étapes de traitement que la psychologie cognitive a permis d'isoler. Cette hypothèse simple est à l'origine de nos études. Nous nous proposons d'étudier les mécanismes neuronaux par lesquels les structures corticales traduisent en activité motrice volontaire les signaux sensoriels biologiquement pertinents qu'elles reçoivent de l'environnement. Les tâches sensori-motrices les plus simples peuvent être décomposées en trois étapes sérielles au moins: la perception du stimulus, la traduction stimulus-réponse et l'élaboration de la réponse. Si les étapes les plus périphériques semblent être mises en oeuvre au niveau des aires corticales dites "primaires" dont les fonctions sensorielles et motrices sont bien décrites, les mécanismes neuronaux qui sous-tendent l'étape centrale de traduction stimulus-réponse restent encore incompris. C'est pourquoi nous concentrons nos efforts sur ces mécanismes particuliers.

Nous pouvons envisager que, dans son passage à travers les différents réseaux de neurones reliant les récepteurs sensoriels aux muscles, l'information sensorielle initiale codée dans les trains de modification de l'activité neuronale est transformée en l'activité motrice nécessaire au mouvement. Beaucoup de ce qui est actuellement connu à propos des mécanismes neuronaux supportant les flux d'information à l'intérieur du système nerveux central provient d'expériences basées sur l'enregistrement de l'activité neuronale unitaire chez des animaux éveillés. L'activité neuronale a été enregistrée dans différentes structures du cerveau pendant l'exécution de tâches apprises et les caractéristiques des différentes populations neuronales ont été décrites à l'aide de nouvelles méthodes d'analyse de données. Grâce aux résultats obtenus, il a été possible de décrire non seulement des neurones avec des propriétés sensorielles ou motrices, mais aussi des populations de neurones présentes dans plusieurs aires associatives, et qui montrent des propriétés à la fois sensorielles et motrices. Nous proposons que ces neurones interviennent dans le processus de transformation du sensoriel au moteur.

 

Aspects théoriques

En quoi un ingénieur en modélisation de réseaux de neurones réels et en développement de réseaux de neurones artificiels peut-il aider à la compréhension d'un phénomène psychophysiologique tel que le mouvement volontaire ? Pour un ingénieur, la modélisation est une étape obligée de la compréhension d'un phénomène. Un modèle est avant tout une image concrète de l'idée que l'on se fait du déroulement d'un phénomène observé. La validité d'un modèle est évaluée par son pouvoir prédicteur, c'est-à-dire par la quantité d'information qu'il permet de générer en accord avec les observations (passées ou futures). L'un des problèmes les plus fondamentaux de la modélisation des flux d'information en neurophysiologie est la nature statistique des observations expérimentales. En effet, l'activité neuronale semble comporter une composante aléatoire, de telle sorte que les données brutes doivent être traitées avec des moyens statistiques pour fournir des grandeurs stables et comparables d'une expérience à l'autre. Or des résultats statistiques contiennent moins d'informations que des résultats bruts et se prêtent donc moins à des raisonnements inductifs, en même temps que la vérification du pouvoir prédicteur des modèles élaborés est moins rigoureuse.

A cela s'ajoute le dialogue difficile entre chercheurs de compétences différentes, ce qui explique que la compréhension des phénomènes neurophysiologiques est souvent biaisée chez les ingénieurs. Le décalage s'accentue encore lorsque ces ingénieurs se mettent en tête d'implémenter des systèmes artificiels à partir des modèles neurobiologiques. Ces systèmes n'ont en réalité pas de compte à rendre aux systèmes réels dont ils s'inspirent, puisque leur but est utilitaire et non scientifique. Mais cela heurte souvent les biologistes qui les considèrent comme des caricatures, ou même des erreurs. Ces extensions sont pourtant intéressantes à plus d'un titre. Elles ont en tout cas le mérite d'interpeler les biologistes et les interroger sur ce qui fait réellement la différence entre les réseaux réels et artificiels, les forcer à être plus précis sur les principes sur lesquels repose leur savoir. Parfois, elles peuvent aussi dévoiler de nouvelles façons de voir les choses, ou de nouvelles interprétations possibles. Les essais d'implémentation de réseaux de neurones artificiels (RNA) ont ainsi tout de suite fait apparaître l'importance de la phase d'apprentissage, alors que cet aspect n'était souvent même pas envisagé par les neurobiologistes. Apparaît également le problème du niveau auquel doivent être interprétés les signaux neuronaux enregistrés, celui d'un éventuel codage qui permettrait de comprendre les informations transmises. En ce domaine, il commence à être admis qu'il faut considérer des populations de neurones plutôt que des neurones individuels. Mais il n'apparaît pas encore clairement comment il faut appréhender ces comportements de populations.

Pour l'instant, les RNA restent à un niveau assez réductionniste, où le comportement global peut se comprendre directement soit par une amplification du comportement individuel, soit par un moyennage. Par contre, on arrive difficilement à imaginer des modèles où il se produirait une véritable "émergence" de propriétés nouvelles, à un niveau supérieur à celui des individus, et qui se décrirait en des termes totalement distincts. Un exemple d'un tel système est celui des gaz, formés d'un grand nombre de molécules caractérisées par des grandeurs telles que la vitesse et la masse, mais qui peuvent se décrire à un niveau macroscopique en termes de pression, de volume et de température. Cela pose d'une part le problème de savoir s'il y a effectivement un tel effet d'émergence de nouvelles propriétés dans les systèmes neuronaux biologiques, et d'autre part si, dans ce cas, la pensée elle-même peut comprendre ce phénomène d'émergence par lequel elle existerait. Le développement de moyens informatiques de plus en plus puissants permettent aujourd'hui de réaliser la simulation du comportement de grandes populations d'individus (particules, individus d'une société, neurones,...), mais la compréhension et donc la modélisation suppose une intégration au sein de la pensée humaine, non d'une machine. La pensée humaine peut-elle s'intégrer elle-même ?



 

CENTRE D'ANALYSE DES SAVOIRS CONTEMPORAINS

Atelier du 7 décembre 1993, Palais U., s. Fustel de Coulanges, 8 h.30.

"l'action volontaire, l'attention"

 

 

LA TELEOPERATION: UN EXEMPLE DE ROBOTIQUE COOPERATIVE

Bernard Espiau

INRIA Rhône-Alpes 46 av. Félix Viallet 38031 Grenoble cedex

tél: 76.57.47.77; fax: 76.57.47.54

               La téléopération est un domaine de la robotique dans lequel la coopération homme-machine fait l'objet d'études particulièrement approfondies. Destiné à la réalisation de tâches complexes, non répétitives et aux enjeux économiques considérables, un système de téléopération comporte un espace "maître", dans lequel divers retours d'informations sensorielles permettent à un (ou des) opérateur(s) humain(s) de commander, piloter ou surveiller un ensemble de robots, et un espace "esclave", dans lequel oeuvrent ces derniers. Cet espace est généralement hostile pour l'homme (environnements nucléaire, sous-marin, chimique...) voire même inaccessible à celui-ci (exploration spatiale ou planétaire).

               Ainsi, la téléopération représente un ensemble de défis technologiques, techniques et scientifiques sans égal dans les autres domaines de la robotique. L'interaction complexe qu'elle exige entre l'homme et la machine pose des problèmes nouveaux auxquels des techniques telles que la téléprésence ou la réalité virtuelle peuvent apporter des embryons de solution. Les dimensions psychologiques et ergonomiques sont également à prendre en compte dans la conception de systèmes efficaces de téléopération. Enfin, les enjeux socio-économiques de ses applications actuelles ou potentielles justifient une poursuite des efforts de recherche et développement qui lui sont consacrés.

               Cet exposé a pour but de donner un aperçu du domaine de la téléopération et de ses applications sans entrer plus qu'il n'est nécessaire dans des détails techniques. Après un bref historique du domaine en partant de la notion d'outil, puis de télémanipulation, un rapide survol des technologies existantes sera effectué. On abordera ensuite le domaine de la téléopération assistée par ordinateur et de ses applications. Quelques aspects liés à l'ergonomie et l'évaluation de performances seront évoqués. L'exposé sera illustré à sa conclusion par une bande video.

 

 

LA REPRESENTATION DE L'ACTION. Modèles neurophysiologiques.

Marc Jeannerod

INSERM (Unité 94 ) 16, av. du Doyen Lépine 69500 BRON

tel. 78.54.65.78; fax. 72.36.97.60

               Le but de cet exposé sera de développer l'idée que la plupart des actions humaines dérivent de processus autonomes, internes au sujet; qu'elles sont, en d'autres termes, fondées sur des représentations qui appartiennent au fonctionnement cognitif de l'individu. Ces représentations anticipent les interactions entre le sujet et son milieu. Elles sont à l'origine d'un cycle interactif dans lequel le sujet puise sa substance, grâce auquel le fonctionnement cognitif se construit et se renforce.

               Cette position, qui soutient que l'expérience et la connaissance émergent d'actions qui sont l'expression d'un contenu mental (la thèse "centraliste"), se confond pour une bonne part avec la ligne de pensée nativiste et se trouve actuellement représentée par les tenants de la psychologie cognitive. A l'opposé, la thèse "périphéraliste" soutient que notre comportement est structuré par le flot continu d'information venu de l'extérieur et que l'apprentissage résulte d'associations entre stimuli ou entre événements. Elle trouve son origine dans le classique empiricisme, dont une des versions modernes est la psychologie behavioriste, et qui a fortement imprégné les milieux physiologiques.

               L'enjeu du débat entre ces deux positions ne porte en fait pas que sur la façon dont l'action est produite et contrôlée, mais aussi, et de manière indissociable, sur la façon dont l'action contribue à la structure du moi cognitif. Telle est bien la substance d'une vraie théorie de l'intentionalité : il ne s'agit pas seulement de gérer (philosophiquement ou physiologiquement) la production et le fonctionnement d'intentions. Il s'agit aussi et surtout de déterminer la place de ces intentions dans le fonctionnement d'un ensemble constitué par le sujet et son environnement. L'intention est le point de départ d'un processus qui contient le but de l'action, et pas seulement les moyens d'y parvenir; qui implique la prise en compte du résultat de l'action et pas seulement de son déroulement. C'est en ce sens que la représentation intentionnelle est avant tout hypothèse sur les effets qui vont découler de l'interaction avec le monde environnant, hypothèse que les conséquences de l'action pourront soit confirmer, soit infirmer. Cette information obtenue en retour, aux termes de la thèse centraliste, "modifie le sujet".

 

 

 ROBOTIQUE DES MOUVEMENTS ET COMPORTEMENT HUMAIN

Jean-Paul Laumond

LAAS - CNRS 7, av. du Colonel Roche 31077 TOULOUSE Cedex

tel: 61.33.63.47; fax: 61.33.64.55; adr. électr.: jpl@laas.fr

               Voici les principales idées que je me propose de développer lors de l'atelier du 7 décembre. Elles s'articulent autour de la notion d'espace et de mouvements.

               Dans un premier temps je décrirai le paradigme de résolution du problème de planification de mouvements sans collision en robotique. Je mettrai en évidence  comment ce problème, de nature topologique par essence, ne peut être résolu par une  machine qu'à l'aide d'outils s'appuyant sur la métrique de l'espace. C'est en effet la métrique qui permet à une machine (et au mode calculatoire de raisonnement qu'elle impose) de déduire la topologie de l'espace.

               Dans un deuxième temps, à partir d'exemples de comportements humains très simples, je montrerai comment la donnée d'une information topologique, couplée avec une méthode  locale d'évitement d'obstacles, peut permettre de résoudre le même problème.

               La confrontation de ces deux approches conduit à la notion de complétude des procédures de décision, notion centrale dans la conception de machines autonomes et commandables, mais dont la pertinence me semble discutable dans une modélisation du comportement humain.

               Je conclurai, en sortant du strict champ de mes compétences, sur des interrogations: quelle est la nature du codage des représentations spatiales chez l'être humain? Comment les représentations humaines de l'espace et du mouvement  peuvent être utilisées comme mode d'expression?

 

 

INTENTIONALITE ET RATIONALITE DE L'ACTION

Pierre Livet

Pr. Univ. Aix-Marseille & CREA 1, rue Descartes 75005 PARIS.

adr. électr.: livet@poly.polytechnique.fr

               Pour repérer une action comme intentionnelle il faut pouvoir la reconstruire selon un plan, de facon à interpreter certains comportements comme des corrections de ce plan par rapport au but. Mais les plans limitent les corrections possibles. Comme en environnement incertain on ne peut limiter d'avance la gamme des corrections nécessaires pour atteindre un optimum de rationalité, la notion même d'action semble échapper à une pleine rationalité. On tentera de dénouer ce paradoxe.

 

 

Les rapports verbaux sur la décision: peut-on s'en remettre à ce qu'en dit le sujet?

Joëlle Proust

CREA - CNRS 1, rue Descartes 75005 Paris

tél: 46 34 36 23; adr. électr.: ...!inria!poly!crea!

               Des résultats expérimentaux très divers (de Nisbett-Wilson, l977, à Libet, 1992) tendent à montrer qu'un sujet n'a pas, ou peu, d'accès direct à ses processus cognitifs, soit que l'existence du stimulus qui a influencé sa réponse lui reste cachée, soit qu'il n'ait pas pris conscience de sa propre réponse, soit qu'il ait méconnu le lien causal entre le premier et la seconde. ll semble que les raisons d'agir qu'un sujet s'attribue ne correspondent à aucune donnée introspective, mais relèvent plutôt d'une double évaluation, causale et normative, qui s'appuie sur les théories et les valeurs implicites véhiculées dans la culture ou la sous-culture du sujet.

               Ces résultats seront exposés, discutés, et complétés par des données neurologiques et psychopathologiques. Ils contredisent la conception classique des rapports entre conscience et action - et ne cadrent pas non plus avec la conception freudienne de l'inconscient. Ils appellent un travail de clarification conceptuelle. Qu'appelle-t-on "conscience d'agir?" Dans quelle mesure l'interprétation par un sujet de ses raisons d'agir peut-elle et doit-elle prendre en compte les contraintes causales de type psychologique ou neurophysiologique qui s'exercent sur la planification, la décision et l'exécution? La conscience est-elle un agent colligeant, actuellement ou virtuellement, toute l'information disponible, ou une étape de traitement de l'information qui, pour être "qualitativement" privilégiée, n'a qu'une représentation nécessairement limitée et incomplète du système cognitif dont elle fait partie? Est-il conceptuellement légitime de considérer la conscience du sujet comme une étape dans le traitement de l'information? Voilà l'immense terrain à défricher, dont le présent exposé se bornera à tenter le relevé.

 

 

AU-dela du dualisme : l'unite de l'action

Birgit Richter

Dr. Univ. Paris-I - Chateauneufstr., 7 - 20535 HAMBOURG

               Toute théorie de l'action volontaire se voit confrontée au problème de devoir situer son objet de recherche dans un cadre conceptuel cohérent qui  implique - explicitement ou non - une prise de position par rapport au problème traditionnel du dualisme physique-mental. Une action peut être décrite à la fois comme suite d'événements physiques dans le monde et comme action volontaire et intentionnelle d'un agent humain, - ce qui semble nécessiter une référence aux états mentaux de celui-ci.

               Quel est le rapport entre l'acte physique (le mouvement corporel) et les états mentaux?

               Par opposition aux théories analytiques et physicalistes - qui, toutes, esquivent d'une manière ou d'une autre le problème du mental - la phénoménologie a l'avantage de prendre au sérieux l'expérience subjective de l'agent et de l'intégrer dans une théorie de l'intentionalité.

               Mais une phénoménologie classique (husserlienne) peut-elle, pour autant, s'affranchir d'un certain dualisme sous-jacent?

               Dans le contexte de cette problématique, je me propose d'examiner ce que pourrait apporter la phénoménologie de Heidegger à une théorie de l'action volontaire - ou plutôt d'examiner quelles possibilités pourrait offrir une approche qui prend en compte la différence ontologique. C'est, précisément, cette portée ontologique de la phénoménologie heideggerienne qui me semble permettre de dépasser le problème du dualisme, c'est-à-dire de saisir le phénomène de l'action dans son unité, au-delà de la scission conceptuelle en un aspect physique et un aspect mental.



 

Publié dans philosophie

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